Les Coptes et le copte

De: Al Ahram Hebdo 07/01/2009

 

Les érudits affirment que la géographie constitue l’élément stable d’un pays et qu’elle influe énormément sur sa culture et sa civilisation. C’est ainsi que l’art copte, qui dérive des périodes qui l’ont précédé, a constitué un lien avec l’avenir aussi.

Le trait d’union entre les époques

L’Egypte est l’un des pays favorisés par la grâce divine. Non seulement cette situation géographique en fait depuis toujours un carrefour, mais cela lui a aussi permis d’exercer une influence considérable sur les pays avoisinants.

A l’époque où les Grecs ont pénétré en Egypte, suivis par les Romains, cela n’a pas empêché sa civilisation de demeurer florissante. Les Grecs et les Romains se sont familiarisés avec la vie égyptienne. Ils ont édifié les sanctuaires des dieux égyptiens selon le style pharaonique.

Lorsque les Romains renoncèrent au paganisme pour embrasser le christianisme au début du quatrième siècle, ce fut le début de l’édification des églises.copteeglise

La civilisation en Egypte continua à prospérer.

Le mérite incontesté dans ce domaine revient à la Bibliothèque d’Alexandrie, en tant qu’université universelle fréquentée par nombre d’étudiants venus de toutes les contrées du monde.

Les coptes sont les descendants directs des Egyptiens de l’époque pharaonique, mais l’ancienne civilisation égyptienne ne s’est pas arrêtée avec la fin de l’ère pharaonique. La vie spirituelle, la langue, la religion, l’évolution scientifique et artistique continuèrent longtemps après. Malgré les influences gréco-romaines d’Alexandrie, ils établirent leur propre civilisation, et l’art copte fut le trait d’union entre les arts pharaonique, gréco-romain et islamique.

copte

Malgré l’influence byzantine et islamique, l’art copte a atteint un niveau et une originalité qui forcent l’attention et l’admiration.

L’art copte est le témoignage d’un nouvel esprit qui naît de la vieille humanité. L’art copte est un art pur, simple et beau, il représente la vie religieuse et la vie quotidienne. Pour l’artiste copte, « la simplicité était une sorte de beauté ».

La sculpture sur pierre et sur bois, la céramique et l’orfèvrerie, ainsi que les objets de la vie courante qui, par la perfection de leur forme utilitaire ou leur décor, sont aussi des œuvres d’art, comme les tapisseries tissées en lin et laine, qui grâce à l’habilité de l’artisan des IIe et IIIe siècles, peuvent être regardées à l’endroit comme à l’envers.

Le Musée copte, fondé en 1908 et restauré en 1984, est totalement rénové pour fêter ses cent ans. Le 26 juin 2006, le président Moubarak en personne, entouré d’une centaine de personnalités, est venu l’inaugurer et l’admirer, car il est superbe. Tout y est parfaitement disposé. Sur 16 000 œuvres d’art, seules 1 200 pièces y sont mises en valeur.

Ce musée renferme une grande collection de fragments qui datent du IIe au Ve siècle. La grande majorité des pièces proviennent des donations de la communauté copte et le reste des anciens monastères.

Sous les coupoles et les dômes qui sont l’un des aspects les plus importants de l’architecture copte, on a pu retrouver des niches avec des représentations des saints, des stèles funéraires, des chapiteaux et des corniches en calcaire, ornés de fleurs d’acanthe et de feuilles de vigne. Les coptes sont les premiers à avoir évoqué, dans leurs fresques, la Vierge Marie et l’Enfant Jésus. Il est à noter que les artistes coptes représentent toujours la Vierge à la droite de Jésus, car le psalmiste a dit (Ps 45:10) : « A ta droite se tient la reine ». Par respect, elle est toujours peinte entièrement vêtue et la tête couverte de voile. Jésus, lui aussi, n’est jamais représenté nu, ni même à moitié nu.

Ils étaient passés maîtres dans le travail de l’ivoire, de l’os de l’ébène. Entre autres, il ne faut pas manquer de voir le fameux peigne tout en ivoire qui date du IVe siècle.

Il représente la résurrection de Lazare et la guérison de l’aveugle.

Les portraits sont universellement célèbres. Les personnages ont tous les yeux largement ouverts, les prunelles rondes placées tout près du nez, et ce nez qui se termine toujours de la même manière. Ce qui est frappant, c’est qu’ils donnent une impression de paix intérieure.

De la même époque, provient également du monastère de Saint-Jérémie, à Saqarrah, un majestueux ambon, dit « Chaire de Jérémie », Ve siècle.

La fresque de Baouit du monastère d’Apa Apollon, où figure le Christ en majesté, la Sainte Vierge au milieu des Apôtres, entourée par les Archanges.

Les exemples de boiseries confirment la maîtrise particulière des coptes dans le travail de ce matériau chaud et vibrant. Des portes et des clôtures d’iconostase, des panneaux où se lisent divers épisodes de la vie du Christ, des objets liturgiques, autel, croix et lutrins.

copte2

Les coptes ont créé un art original du tissage. Les motifs qui ornent les tissus ne sont plus brodés, mais tissés dans la trame de l’étoffe, dans les couleurs pourpre, noir, vert vif ou violet. Ils traitent des sujets bibliques, chrétiens et profanes.

Les tissus les mieux conservés proviennent d’Antinoe et d’Akhmim et sont datés du Ve siècle. Ils sont en lin, ce sont des fragments d’une écharpe, d’une tunique, d’un rideau. Les personnages sont disposés de telle façon que leurs mouvements sont parfaitement rendus. C’est ainsi qu’on ne se lasse pas de regarder le flûtiste, les danseuses, le lièvre, le centaure, saint Jonas et la baleine, etc.

Les tissus constituent une riche moisson qui met en lumière la diversité des techniques et des matières. Ils traitent des sujets bibliques et chrétiens et également des scènes de la vie quotidienne.

Isis Zaki (coptologue)


 

De Al Ahram Hebdo 07/01/2009

De l’égyptien ancien écrit avec de l’alphabet grec, telle est la définition du copte.

 

copteécrit

A la rencontre de l’histoire et de la vie

Un des aspects les plus importants de la civilisation copte est sa langue. A l’écriture hiéroglyphique avait succédé l’écriture hiératique, puis démotique. Au IIe siècle av. J.-C., le démotique a été remplacé par le copte qui est un mariage entre la langue des Egyptiens et les 24 lettres de l’alphabet grec auxquelles ont été ajoutées 7 autres lettres empruntées au démotique pour recouvrir la totalité des sons utilisés dans la Vallée du Nil. C’est pourquoi on dit que la langue copte « c’est de l’égyptien ancien écrit avec de l’alphabet grec ». Les coptes furent les premiers à écrire sur des papyrus sous forme de livres, alors que les pharaons écrivaient sur des papyrus en forme de rouleau. Le musée possède 6 000 manuscrits en copte, dont les psaumes de David et ceux de Nag Hammadi qui faisaient partie de la Bibliothèque gnostique, rassemblée par les gnostiques qui étaient des partisans d’une secte apparue au IIe siècle qui intégrait aux croyances chrétiennes des enseignements de la philosophie grecque et surtout la recherche de l’au-delà. Le point central de ces manuscrits est avant tout l’homme et son salut.

En 1988, en Moyen-Egypte, on a découvert une Bible copte datant probablement du IVe siècle, écrite sur un parchemin. Elle est reliée en cuir sur bois. C’est l’un des plus vieux livres du monde. Il est exposé au Musée copte. Il est intéressant de lire dans le courrier de Champollion, la lettre n°180 : « J’ai fait des extraits de presque tous les manuscrits coptes de la Bible impériale et des copies de quelques-uns ... Je veux savoir l’égyptien comme mon français, parce que cette langue sera bien mon grand travail sur les papyrus égyptiens … Je suis si copte que pour m’amuser, je traduis en copte tout ce qui me vient à la tête. Je parle copte tout seul, vu que personne ne m’entendrait. C’est le moyen de me mettre mon Egyptien dans la tête ... Selon moi, le copte est la plus parfaite et la plus raisonnée des langues ».

Et à l’heure actuelle ? A part les religieux, peu de familles parlent copte. On aime encore citer le cas de M. Ekladios Labib (1868-1918) qui avait appris parfaitement la langue copte. Il a d’ailleurs écrit 25 ouvrages en copte et sa grande œuvre fut le Dictionnaire copte-arabe. Il parlait couramment l’arabe, le copte, le français, l’anglais, mais insistait pour que sa famille ne parle que le copte à la maison. L’un de ses fils, Pahor Labib, professeur d’archéologie, fut aussi directeur du Musée copte. Les coptes orthodoxes sont restés très conservateurs et le domaine religieux a toujours une grande importance pour eux. Certains jeûnent 113 jours par an, 55 pour le Carême, 40 pour l’Avent, 15 avant l’Assomption et 3 pour saint Jonas. Certains pratiquent le jeûne complet, en arabe le « tayy », qui dure depuis la disparition de la dernière étoile jusqu’à l’apparition de la 1re étoile. L’apparition de la 1re étoile. Lorsqu’un copte jeûne, il s’abstient de tout produit venant des animaux : viande, œufs, lait, fromage … Quant aux légumes, ils doivent être soit bouillis, soit cuits à l’huile. La messe n’a pas suivi l’évolution moderne. Elle est longue et récitée en copte et en arabe. Les enfants de chœur chantent en copte et en arabe, accompagnés de cymbales et du triangle. Paul de Thèbes, Antoine et Pacôme se retirèrent dans le désert où ils psalmodiaient en copte. Ce sont les fondateurs du monachisme chrétien. Au VIe siècle, saint Benoît vint en Egypte, s’inspira du modèle pacomien et fut le fondateur des monastères en Europe.

Isis Zaki (coptologue)