L'excision

S'il est un sujet délicat à aborder, mais qui attire toujours la curiosité de certains et des questions parfois gènées, c'est bien celle de l'excision.
Il s'agit d'une Mutilation Sexuelle Féminine (ou MSF) courante dans certains pays dont l'Egypte.

 

enfants Moqqatam
N'étant ni médecin ni enquêteur, je me suis donc renseigné auprès de différentes sources pour connaître l'état de la situation.
Voici tout d'abord un rapport de l'Union Inter Parlementaire (UIP), qui regroupe des parlementaires de tous pays.


Etat de la situation :
Les mutilations sexuelles féminines seraient pratiquées dans toute l'Egypte par les musulmans et les chrétiens. Selon l'OMS, cette pratique touchait 97 % des femmes en 1995. L'excision est la méthode la plus répandue alors que l'infibulation serait pratiquée dans les régions du sud de l'Egypte à proximité du Soudan. Toutefois, l'UIP ne dispose pas de statistiques officielles directes ni d'autres détails à ce sujet.
Législation :
Aucune loi pénale particulière n'interdit la pratique des mutilations sexuelles féminines. Toutefois, l'approbation et/ou l'exécution d'une mutilation sexuelle féminine constitue une violation de l'article 240 d'une loi pénale égyptienne, toujours en vigueur, qui dispose que "toute personne qui cause un dommage corporel à une autre personne ou qui la frappe de telle sorte qu'elle suspend, interrompt ou entrave la fonction d'un de ses organes, ou provoque sa cécité, sera punie d'une peine de 3 à 5 ans d'emprisonnement.
Si cet acte est commis plusieurs fois intentionnellement, la peine sera de 3 à 10 ans de travaux forcés". Un décret ministériel de 1959 interdisait les mutilations sexuelles féminines sous peine d'amende ou d'emprisonnement. Des changements ont été apportés à ce décret au cours des années.

 

excision


Une série de décrets ministériels publiés par la suite autorisait certaines formes de mutilations sexuelles féminines, mais en interdisait d'autres. A un certain moment, il était aussi interdit aux médecins de pratiquer des mutilations sexuelles féminines dans les services publics de santé, et au personnel non médical de pratiquer ces mutilations.
En 1994 le ministre de la santé a pris un décret prévoyant que les mutilations sexuelles féminines ne pourraient être pratiquées qu'un jour par semaine dans les services publics uniquement par des membres du personnel médical qualifiés, et seulement s'ils ne réussissent pas à persuader les parents de renoncer à ces pratiques. Toutefois, ce décret a été abrogé par la suite (1995) à la suite de protestations internationales déplorant la médicalisation de ces pratiques.
En 1996, le Ministre de la santé et de la population a pris le décret N° 261 interdisant finalement ces pratiques sauf sur indications médicales, et uniquement avec l'accord d'un obstétricien qualifié. Le décret indiquait ce qui suit : "Il est interdit de pratiquer l'excision que ce soit dans les hôpitaux ou les établissements médicaux publics ou privés.
Cette pratique n’est admise qu'en cas de maladie et avec l'accord du chef du service d'obstétrique et de gynécologie à l'hôpital, et sur proposition du médecin traitant. L'exécution de cette opération dans d'autres conditions est considérée comme une violation des lois régissant la profession médicale.
Cette opération ne peut être pratiquée par du personnel non médical."Ce décret interdit aux médecins de pratiquer des mutilations sexuelles féminines dans des centres publics ou des établissements privés (sous peine de sanctions administratives). Toutefois, ce décret n'empêchait pas légalement de pratiquer des mutilations sexuelles féminines à domicile par un médecin ne relevant pas du secteur public.
Ce décret a été contesté devant les tribunaux par les fondamentalistes et médecins islamistes favorables à cette pratique. Le 24 juin 1997, un tribunal administratif a annulé le décret, qu'il a jugé anticonstitutionnel.
Toutefois, en décembre 1997, la validité du décret a été reconnue par la Haute Cour administrative de l’Egypte avec pour conséquence que, même en l’absence d’une loi pénale proprement dite contre les MSF, celles-ci sont proscrites en Egypte.
Structure opérationnelle :
Dans le cadre de la Direction de la Population du Ministère de la Santé et de la Population, une campagne a été lancée contre les MSF pour sensibiliser les chefs traditionnels des zones rurales aux dangers des MSF.
Autres informations : Les dirigeants religieux et les médias publics égyptiens organisent des campagnes pour faire comprendre aux populations que les MSF ne sont pas prescrites par les religions et pour les sensibiliser aux incidences néfastes des MSF sur la santé des filles et des femmes.

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3 formes d'excision

En Haute-Egypte, les filles entre 3 et 12 ans doivent être excisées. Il existe 3 formes de mutilations : La première est la plus simple, nommée la clitoridectomie. Elle consiste en l’ablation partielle de la partie externe du clitoris. La deuxième s’appelle également clitoridectomie, mais elle est accompagnée de la suture des petites lèvres. Quant à la troisième forme nommée l’excision « soudanaise » ou « pharaonique », elle consiste à couper les petites et les grandes lèvres. Et cette forme est la plus horrible. « Même si on appelle cette dernière la méthode pharaonique, les études ont montré qu’aucun cas d’excision n’a été enregistré à l’époque des pharaons. Seuls les garçons étaient circoncis (ablation du prépuce). Les femmes sont convaincues que le fait d’exciser leurs filles est plus hygiénique alors que c’est le contraire : Si la fille est excisée, cette partie du corps est toujours souillée soit par le flux menstruel ou l’urine », explique Olfat Gad, présidente du projet Non à l’excision au gouvernorat de Qéna et ancien membre de l’ONG Feda.

Jadis, c’était par groupe de 10 ou de 15 qu’on emmenait les filles âgées de 3 ans à 12 ans dans une maison et l’une après l’autre, elles devaient se soumettre à cette pratique. L’excision a lieu généralement en été. Parure de fête et de tatouage au henné, la fille est préparée à cet événement comme pour se rendre à un bal. Et elle ne savait pas ce qui l’attendait. Si l’excision est pratiquée par une sage-femme, elle subissait la dernière forme la plus barbare, soit l’excision soudanaise ou pharaonique. Mais si elle est excisée par un gynécologue, il appliquait la première ou la deuxième forme. Cette coutume traditionnelle se transmet de génération à génération en Haute-Egypte. « Beaucoup de parents pensent que l’excision est essentielle pour préserver la réputation de leurs filles. D’ailleurs, si les filles ne sont pas excisées, elles ne trouvent pas de maris. Et une mère digne de ce nom ne souhaiterait pas cela à ses filles. En fait pour les villageois de la Haute-Egypte, l’excision permet de préserver la chasteté de la jeune fille, elle réduit ses pulsions sexuelles, de façon à assurer sa virginité jusqu’au moment de son mariage », ajoute Olfat Gad.

En fait, les parents en Haute-Egypte sont conscients qu’aucun homme n’accepterait d’épouser une fille non excisée. La raison est simple. Tout le monde se moquerait de lui. « C’est la raison pour laquelle les membres du projet de l’Unicef ont insisté sur le fait de travailler sur 4 villages en même temps. On a commencé par les professeurs des écoles car ce sont elles qui pouvaient convaincre les filles et leurs parents, et leur faire comprendre que c’est mauvais pour la santé. On a discuté avec les femmes dans les marchés et les filles, les plus concernées … », confie Manal Fawzi, native d’Assiout, et qui travaille avec l’Unicef depuis 1994. Des séminaires, des ateliers, des comités de protection des enfants ont été créés dans les villages de Haute-Egypte, pour sensibiliser la population. L’Unicef et le Conseil national de la maternité et de l’enfance parlent des effets néfastes de cette pratique depuis 1994. Les parents commencent à réaliser ce que risquent leurs filles. « Quand j’ai assisté aux différents ateliers, j’ai compris ce que mes deux filles ont subi : ma fille aînée pleurait, elle avait perdu beaucoup de sang, elle avait aussi perdu connaissance. Tandis que la cadette avait fait une rétention urinaire dont j’ignorais les causes », se souvient Oum Afrah, 35 ans, analphabète et habitant du village d’Al-Kom Al-Ahmar, situé à Farchout, à 80 km de Qéna. Oum Afrah a pris la décision de ne pas exciser ses deux autres filles, âgées respectivement de 3 et 5 ans. « Mon mari m’a dit de suivre les conseils des gynécologues », ajoute-t-elle avec satisfaction.

Au début du projet, le personnel de l’Unicef et les membres des ONG ont rencontré beaucoup de problèmes. « Les habitants nous reprochaient d’être venus des Etats-Unis pour entraîner leurs filles à la dérive et d’être payés pour cet objectif. Les hommes du village de Naghamish, situé à 60 km de Sohag, ont tiré sur nous pour nous intimider et nous empêcher de revenir », raconte l’un du personnel de l’Unicef.

Dans les villages de Haute-Egypte, la tradition et les pressions sociales sont si fortes que les familles acceptent de faire exciser leurs filles tout en sachant les effets néfastes de cette pratique.

Aujourd’hui pourtant, les femmes au foyer, analphabètes ou instruites, répètent ce que les gynécologues ont dit à propos des effets néfastes. « Il y a des risques d’hémorragie pendant l’opération, des cystites à répétition plus tard, risque de déchirure lors de l’accouchement ou de douleur inévitable lors des rapports sexuels avec le mari sans compter les effets psychologiques, tels que les cauchemars et l’anxiété », cite Fakiha, qui essaie de se rappeler les discours des spécialistes en faisant la comparaison entre ce qui passe autour d’elle et ce qu’elle entend au sein de l’ONG.

Et ce n’est pas tout. Les femmes de Haute-Egypte commencent à comprendre que le divorce, les disputes et les problèmes de couple sont les conséquences de cette pratique. « Je n’ai jamais pu avoir de rapports normaux avec mon mari. Je n’ai jamais eu envie de faire l’amour, et je ne ressens aucun plaisir à coucher avec lui », explique Oum Mina, excisée à deux reprises parce qu’il restait un petit bout à inciser. Traumatisée, Oum Mina a décidé, en accord avec son époux, de ne pas faire exciser ses 3 filles.

Azza Kamal, présidente du projet Halte à l’excision à Sohag, mobilise les chefs religieux chrétiens et musulmans pour convaincre les villageois de mettre fin à cette pratique. « Je dis aux gens que s’ils aiment réellement leurs filles, ils doivent prendre soin d’elles et veiller à ce qu’elles reçoivent une bonne éducation. C’est bien mieux pour elles et pour leurs futurs maris que l’excision », dit Azza Kamal avec assurance.

En fait, c’est bien la première fois que les habitants de Haute-Egypte parlent aussi ouvertement. « Le but de ces campagnes de sensibilisation était de casser les barrières du silence et de parler d’un sujet extrêmement sensible et tabou pour les femmes », affirme Nevine Saad, habitante de Minya, et qui travaille avec l’Unicef depuis 1997. « Avant le lancement de ces campagnes de sensibilisation, les villageoises elles-mêmes étaient conscientes de leurs problèmes de santé et de couple dus à l’excision, mais elles étaient obligées de suivre cette coutume ancestrale que leurs mères et grands-mères avaient subie », ajoute Nevine avec fierté

Les responsables de la campagne anti-excision se sont fait des frayeurs sous le président déchu, Mohamad Morsi, lorsqu’un député salafiste du parti Al-Nour, Nasser Chaker, a dit en mai 2012 que l’excision est « une pratique islamique ». Des rumeurs ont circulé dans toute l’Egypte, surtout dans les villages de Haute-Egypte, affirmant qu’un bus du Parti Liberté et justice allait se rendre dans les villages pour pratiquer des excisions « médicalisées ».

Aujourd’hui, les campagnes anti-excisions se poursuivent. Des séminaires religieux sont organisés en présence du cheikh Mohamad Wessam, directeur du département des fatwas à Dar Al-Iftaä. « Il n’existe aucun hadith ou sourate qui encourage les gens à faire exciser leurs filles », dit-il. Et cela apparaît très clairement dans la sourate Al-Tine, verset 4 : « Nous avons certes créé l’homme dans la forme la plus parfaite ». Cela veut dire que chaque organe du corps humain a ses fonctions et que donc on n’a pas le droit de transformer la création de Dieu.

 

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Et voici un témoignage extrait de " 10 décembre - 10 femmes - 10 témoignages " d'Amnesty International NL - 2004


On donne différents noms à ce phénomène.
Excision disent les uns. Les autres appellent cela une ‘initiation’. Circoncision disent les médecins.
Mutilations génitales disent ceux qui les combattent. J
e ne sais pas si un de ces termes recouvre exactement ce que cela signifie. Les mots sont facilement trompeurs et justement c’est dans leur innocence que réside le problème.
Je ne donnerai pas de détails sur ce qu’on fait à ces jeunes filles. Ils sont trop pénibles.
Lorsque je faisais des recherches dans le village de Deir El Basha, en Haute Egypte, j’ai rencontré une mère, Um Yousef.
Elle m’a dit « Je n’ai pas fait exciser ma fille. C’était la première fillette du village qui n’a pas été pas excisée. Lorsqu’elle s’est mariée, tout le monde pensait qu’elle serait renvoyée le jour suivant. Et lorsqu’elle a eu son premier enfant, tout le monde demandait « Le bébé, est-il normal ? » Il y a maintenant beaucoup de jeunes mariées qui ne sont pas excisées dans notre village. »
Um Yousef a créé un précédent important. Aujourd’hui, le 10 décembre c’est pour être précis le jour anniversaire de la treizième année que les excisions ont cessées à Deir El Basha.
J’ai rencontré une autre jeune femme dans le village, Nadia.
Elle m’a raconté qu’elle suivait un cours qu’on appelait ‘Le nouvel horizon’ pour informer les femmes sur les questions de santé et les dangers de l’excision.
Nadia : « Lorsque j’ai assisté pour la première fois à un cours, j’avais quatorze ans et étais déjà excisée. Mais j’ai décidé de me battre pour que mes jeunes sœurs ne suivent pas le même chemin de souffrances. Comme mon père était à l’étranger, cela a été moins difficile de convaincre ma mère. Quand ma sœur a été sur le point de se marier, ma mère est devenue extrêmement nerveuse. Elle m’a reproché d’avoir détruit l’avenir de ma sœur. A vrai dire, j’avais moi aussi très peur. Mais ma sœur est mariée depuis 3 ans. Et mes cousines et bien d’autres jeunes femmes dans notre rue ne sont pas excisées. »
L’excision est une pratique qui détruit les organes sexuels des jeunes filles.
Le seul but est de contrôler leur comportement sexuel. Quelque soit la manière dont l’excision est pratiquée, c’est une violation des droits humains des femmes. C’est une forme de violence contre les femmes.
Souvent on avance que l’excision est pratiquée par des femmes sur des femmes. Ce n’est pas vrai. Lorsque les femmes ont la chance de pouvoir refuser, elles le font et avec force.
Les campagnes ont changé les choses dans mon pays.
En 1996, le Ministère de la santé a interdit pour la première fois aux médecins de pratiquer des excisions, dans les hôpitaux publics et les cliniques privées.
En 1997, la Cour suprême a rendu un arrêt très important selon lequel les excisions n’étaient pas une pratique islamique. La position des gens est en train de changer. Autrefois les femmes cachaient qu’elles n’étaient pas excisées. Et aujourd’hui, c’est de plus en plus le contraire.
Le chemin à parcourir est encore très long. Mais nous ne doutons plus de pouvoir faire changer les choses.



JUIN 2007.
Une fillette égyptienne meurt lors de son excision

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LE CAIRE, 24 juin 2007 (AFP) - Une adolescente égyptienne de douze ans est décédée au cours d'une opération d'excision à Minya en Haute Egypte, rapporte dimanche le quotidien égyptien al Masri al Yom.
Bedour Ahmad Chaker avait été amenée par sa mère dans un cabinet médical privé pour cette opération officiellement interdite en Egypte, mais que subirait toujours l'immense majorité des Egyptiennes.
La fillette serait morte avant son transfert à l'hôpital local, selon le directeur de cet établissement, Ahmed Ezzeddine.
La mère a accusé de négligence la doctoresse qu'elle avait payée 50 livres (8 euros) affirmant que le décès était lié à l'anesthésie et non à l'opération d'ablation du clitoris. Les deux femmes ont été arrêtées par la police.
Un porte-parole du syndicat des médecins, et un des dirigeants des Frères musulmans, Essam al-Aryan, a défendu le principe de l'excision, accusant les ONG qui combattent cette pratique de viser des financements de l'étranger.
"Nous travaillons dans le cadre de la loi qui précise que l'excision est légitime quand les organes génitaux féminins sont trop saillants", a affirmé au quotidien M. El-Aryan, qui s'affiche comme un dirigeant "moderniste" de la confrérie islamiste.
Officiellement interdite en Egypte depuis 1997, l'excision, qui remonte au temps des pharaons, touchait 97% des Egyptiennes, chrétiennes comme musulmanes, selon une étude systématique de 2000. 
AFP 241631 GMT JUN 07

 

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Encore une !!!

13 AOÛT 2007

Egypte: mort d'une adolescente excisée clandestinement

The Associated Press - 12/08/07 à 07:22:51

Une adolescente de 13 ans est morte après avoir été excisée en fin de semaine en Egypte, deux mois après l'interdiction de cette mutilation traditionnelle à la suite du décès d'une autre jeune fille, selon les médias locaux.

La mort de Karima Rahim Massoud a été découverte vendredi lorsque le père a demandé un certificat de décès, assurant que celui-ci était dû à une cause naturelle, rapporte le journal indépendant "Al-Masry Al-Youm" dans son édition de samedi. Le père a été mis en examen, ainsi que le médecin ayant pratiqué l'ablation des organes génitaux externes (en général il s'agit du clitoris) de la victime, dont la clinique, située dans la province rurale de Gharbiyah, a été fermée, précise le journal contrôlé par l'Etat "Al-Gomhoria".

Les autorités judiciaires n'ont pas fait de commentaires samedi.

En juin, la mort de Badour Chaker, 12 ans, pendant son excision dans la ville de Maghagh, dans le sud de l'Egypte, avait ému l'opinion publique et conduit les autorités à interdire aux hôpitaux de pratiquer cette opération. Le ministère de la Santé avait menacé les contrevenants de sanctions, sans préciser lesquelles, et l'interdiction n'a pas fait l'objet d'une loi, qui lui donnerait davantage de force.

Les partisans de l'excision affirme qu'elle permet d'apaiser le désir sexuel des jeunes filles et de protéger leur honneur, mais les opposants mettent en avant la mutilation, le maintien de la femme dans un état d'infériorité, la douleur et toutes les complications que l'excision peut entraîner: hémorragie éventuellement fatale, infections urinaires chroniques, risque vital pour la femme à l'accouchement.

L'excision, coutume musulmane et chrétienne, est profondément ancrée dans la tradition de la région de la vallée du Nil et de certaines parties d'Afrique sub-saharienne, au Yemen et dans le sultanat d'Oman. Le clergé musulman a beau insister sur le fait que cette pratique n'a rien de religieux, les parents, surtout dans les villages de campagne et les bidonvilles du Caire, pensent aider leurs filles en protégeant leur virginité avant le mariage.

En 2003, une étude de l'UNICEF montrait qu'en Egypte, 97% des femmes mariées avaient subi une mutilation génitale. Le ministère égyptien de la Santé a réalisé récemment une autre étude dans laquelle il apparaît que seule la moitié environ des filles âgées de 10 à 18 ans sont excisées. AP

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Article paru dans le magazine Alif:

Le Parlement égyptien adopte une loi qui criminalise l'excision...sauf dans certains cas.

Comme un aveu de faiblesse face aux traditions, les législateurs n'ont pas été capables de suivre jusqu'au bout la volonté affichée par le gouvernement d'en finir définitivement avec l'excision. Samedi dernier, les députés égyptiens ont pourtant adopté une loi interdisant et criminalisant la pratique de l'excision. Pratiquer l'ablation partielle ou complète des organes génitaux externes féminins sera désormais passible de trois mois à deux ans de prison ou d'une amende pouvant aller jusqu'a 5.000 livres égyptiennes (590 euros).
Le prétexte médical

Mais cette loi contient une exception, qui permet l'excision en cas de "nécessité médicale". Une clause assez floue pour vider le texte de son sens et qui apparaît comme une porte ouverte à toutes les interprétations.

Interrogé par l'agence France Presse, le président du bloc parlementaire des Frères musulmans, Saad el-Katatni, n'a pas caché sa satisfaction, affirmant que "rien dans l'islam ne criminalise l'excision" et que cette clause représentait une victoire pour la confrérie.
Dissonances aux plus hauts rangs

Le lien entre excision et islam n'est pourtant pas évident, cette pratique étant bien plus ancienne que l'Islam et toujours pratiquée dans des milieux non islamiques. En juillet dernier, la Haute commission des affaires religieuses, dépendant du mufti Ali Gomaa, la plus haute autorité religieuse en Egypte, déclarait solennellement dans un communiqué que : "L’excision est une pratique totalement interdite par l’islam, en raison des preuves formelles sur ses multiples effets néfastes sur le corps et l’esprit des femmes."

Mais comme pour illustrer les dissonances existant sur cette question, une autre interprétation venait contredire dans la foulée le mufti d'Egypte. Le très influent cheikh Yusuf Al-Qaradawi (membre fondateur d'Islam online et présentateur d'une émission religieuse sur Al Jazeera) prenait position en faveur de l'excision : "Celui qui pense que l’excision peut avoir des effets positifs sur ses filles devrait la pratiquer et personnellement, je soutiens cette pratique que je juge nécessaire dans le monde moderne. L’excision améliore la santé de la femme et ses relations conjugales."
Plus de 95% de femmes excisées
Selon une étude réalisée en 2005 par le bureau gouvernemental de la démographie, 96,6% des femmes - chrétiennes et musulmanes de 15 à 49 ans seraient excisées. Des chiffres confirmés par une étude de l'UNICEF, menée en 2006 auprès de 20.000 femmes âgées de 15 à 49 ans et issues d’horizons sociaux, géographiques et religieux les plus divers. Toutes catégories confondues, le taux de femmes excisées atteignait 95,8%.

 


 

Décembre 2012: ( lu sur lepoint.fr http://www.lepoint.fr/monde/en-egypte-le-spectre-du-retour-de-l-excision-19-12-2012-1603684_24.php )

L'excision va-t-elle redevenir légale en Égypte ?

C'est ce que laisse entendre le documentaire-choc de Paul Moreira Sexe, salafistes et printemps arabes, diffusé récemment sur Canal+. En Égypte, ces mutilations existent depuis longtemps et sont pratiquées en masse, obéissant à une "tradition" présente en Afrique depuis l'Antiquité - et qui n'a donc pas été importée par l'islam. Officiellement, il n'est pas question de revenir sur l'interdiction de cette pratique, mais certaines personnalités politiques de premier plan en Égypte l'évoquent.

Depuis la mort d'une jeune fille à la suite d'une excision mal pratiquée, en juin 2007, l'Égypte avait pourtant lancé une politique ambitieuse de sensibilisation, grâce aux ONG, aux associations de médecins, au ministère de la Santé et, surtout, à l'ONU, qui apportait un soutien massif. Le grand mufti de l'université al-Azhar, une autorité en matière d'islam sunnite, affirme à l'époque que cette pratique est interdite par l'islam. Sa déclaration a un grand retentissement non seulement en Égypte mais dans tout le monde musulman. Deux jours plus tard, le 28 juin 2007, les "mutilations génitales féminines", l'expression officielle qui désigne l'excision, sont interdites par décret ministériel.

Un an plus tard, en juin 2008, une loi criminalise l'opération. Des comités de protection des enfants sont créés dans tout le pays pour sensibiliser la population. Et ça marche. L'excision reste encore très répandue mais, tendanciellement, baisse. Elle touchait 95 % des femmes en 2005. Aujourd'hui, le pourcentage est tombé à 85 %.

"Une décision personnelle"
Mais la campagne anti-excision va souffrir du Printemps arabe. En effet, à la pointe du combat contre cette pratique se trouvait une figure de premier plan : Suzanne Moubarak, la femme de l'ancien dictateur. Une association malheureuse au lendemain de la chute du raïs où tout ce qui incarne l'ancien régime est désormais voué aux gémonies. L'Égypte post-révolutionnaire devient particulièrement instable, et il est difficile de continuer le lent travail de sensibilisation auprès de la population. La tendance à la baisse se poursuit, néanmoins, mais ralentit : le nombre de familles qui déclarent avoir abandonné l'excision passe de plus de 5 000 à environ 3 600 entre 2010 et 2011, selon une étude du Fonds des Nations unies pour la population.

Le pire n'est pas là. Pour la première fois depuis 2007, des personnalités politiques de premier plan prennent position pour un retour à cette pratique. La première offensive vient d'une députée membre du Parti de la liberté et de la justice, l'organisation politique des Frères musulmans. Fin mars 2012, Azza el-Garf déclare que l'excision est "une décision personnelle, chaque femme peut décider en fonction de ses besoins. Donc, si elle en a besoin, elle doit pouvoir consulter un médecin". En un mot, elle veut en finir avec l'interdiction.

Deuxième offensive : sur le flanc droit des Frères musulmans, cette fois-ci. Un député salafiste du parti al-Nour, Nasser Shaker, proclame en mai 2012 que l'excision est une pratique islamique. Une déclaration qui n'intervient pas par hasard. Une rumeur est alors en train de se répandre dans toute l'Égypte : un bus du Parti de la liberté et de la justice tournerait dans la campagne égyptienne pour pratiquer des excisions "médicalisées".


Cacophonie

Le mouvement politique des Frères musulmans dément formellement dans un communiqué. La députée du parti, Azza el-Garf, revient sur ses propos. Un intellectuel issu de la confrérie déclare en juillet dans une interview : "Si l'excision est pratiquée, c'est pour des raisons traditionnelles et non religieuses. Ça n'a rien à voir avec les Frères musulmans ni avec l'islam." Et le 5 juin, Mohamed Morsi, alors en campagne présidentielle, affirme qu'il ne reviendra pas sur l'interdiction de l'excision. Fermez le ban ?

Pas tout à fait. Une autre déclaration va mettre le feu aux poudres. Omaima Kamel, membre du comité de rédaction de la Constitution et conseillère du président Morsi sur la question des femmes, affirme, dans une interview au journal égyptien Tahrir, que l'excision existe en Égypte et de façon massive. Et qu'il faudrait donc médicaliser cette pratique. L'idée est ancienne : mal faite, l'excision entraîne des infections. Il faudrait donc, en quelque sorte, la "sécuriser". C'est le tollé. Des associations de défense des femmes, soutenues par les Nations unies, réaffirment dans une vaste conférence de presse le caractère criminel de l'excision, tandis qu'à l'ONU la cause d'une interdiction globale des mutilations génitales féminines progresse. Omaima Kamel dément ses propos qui, selon elle, ont été déformés par un journal farouchement anti-Frères (1). Puis elle réaffirme son soutien à l'interdiction de l'excision.

Il n'empêche : cette cacophonie autour de l'interdiction de l'excision inquiète les ONG. "Les déclarations contradictoires se multiplient. L'excision n'est pas nommément interdite dans la nouvelle Constitution. Il suffirait d'une loi pour défaire d'un coup le travail de cinq ans", confie le membre d'une de ces ONG. Il tient à rester anonyme. Le sujet de l'excision reste sensible. Surtout dans le chaos politique que traverse l'Égypte.